Déjeunons entre les nouvelles (S.G)

Samedi midi...
Maryn ferma l'Institut et se rendit chez elle, ou plutôt chez sa guide, Shion Glinferi. En effet, vers onze heures, une demoiselle était venue lui porter un message comme quoi Shion l'invitait à la rejoindre sur le temps du déjeuner, soit disant pour passer un peu de temps ensemble. L'officier ne savait pas si elle devait voir ça d'un bon oeil ou pas. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Pourtant depuis quelques temps, elle se débrouillait comme un chef, surtout depuis qu'elle avait son Institut. Shion lui reprochait son attitude ? Quoi d'autre ? Son travail ? Tous ses doutes... jusqu'à la fermeture de l'Institut à midi, Maryn n'avait cessé de se prendre la tête à propos de cette invitation.
Elle connaissait sa guide depuis maintenant une treize ans puisque la jeune femme était arrivée sur l'île à sept ans et que tout de suite, alors qu'elle n'avait que quatorze ans, la demoiselle Glinferi, aînée de sa tribu renommée, s'était chargé de son apprentissage et de son éducation. Toutefois, on ne pouvait pas dire si Maryn et Shion étaient proches. Certes, elles l'étaient, en un sens. Mais d'une manière complètement inexplicable. Elles n'entretenaient pas de relation mère/fille et encore moi fraternelle, non. Shion était comme le modèle de Maryn, son guide dans un sens beaucoup plus large. Si Shion connaissait par coeur Maryn, dans tous les domaines possibles, Maryn, elle ne connaissait que peu de chose sur la femme. Pour l'officier, Shion restait une femme inaccessible, mystérieuse et discrète, en plus d'être parfaitement aléatoire. Impossible donc pour Maryn de deviner pourquoi Shion la demandait à déjeuner.
Elle arriva devant la grande demeure où elle avait vécu la seconde partie de son enfance et toute son adolescence. On gardait ses chaussures, on mangeait avec des couverts, on prenait des douches, Maryn s'était habituée à vivre à l'occidental alors qu'elle venait d'une famille très à cheval sur les traditions du pays du soleil levant. Elle déposa son sac et se dirigea vers la grande salle à manger où l'attendait la femme qui a fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui.
« Bonjour Shion. Tu voulais me voir ? »

La matinée avait été rude pour Shion Glinferi. Ce n'était pas son travail qui l'occupait, étant juge et avocate, responsable de la justice à Kaissotari, on ne pouvait pas dire que Shion était une femme s'impliquait beaucoup dans son métier, ce qui était compréhensible puisqu'elle n'avait pas le loisir de l'exercer, ce qui l'occupait, c'était ses petites sœurs.
Shion Glinferi était arrivée sur l'île, il y a de cela maintenant dix-sept ans, accompagnée de ses deux jeunes sœurs respectivement âgées de sept et un an. Elle avait pris soin de les élever, les entretenir, les faire grandir. Aujourd'hui encore, alors qu'elles étaient adultes, elles ont encore besoin de Shion pour réparer leur dégâts.
« Décidément, je serai toute ma vie leur mère en plus d'être leur aînée. » soupira la jeune femme.
Nine Glinferi est une jeune agricultrice qui cultive un domaine consacré aux fruits et légumes. Elle les vendait ensuite au Grand magasin qui les mettait à disposition de toutes les habitantes. Seulement, Nine n'était pas très douée en affaire. À vrai dire à part cultiver et mettre au point de nouvelles espèces de pommes, Nine n'était pas douée pour grand chose.
« Elle est bien trop tête-en-l'air pour ça ! »
Dès sept heures ce matin, Shion avait du régler le problème entre Nine et le Grand magasin pour mettre au point les délais, la qualité, la quantité de la marchandise, bref l'essentiel que Nine ne savait faire sans créer des problèmes.
À dix heures et demie, la Justice (comme l'appelle beaucoup de monde en ville), avait été convoqué à l'école par Domi Astoria. Sa plus jeune soeur, Zan, s'était encore fourré dans des embrouilles avec d'autres filles du lycée. À dix-huit ans, la benjamine de la tribu Glinferi allait encore à l'école pour faire de longues études. C'était un petit génie sans aucun scrupule et avec la fâcheuse manie de vouloir contrôler ses petites camarades. Ce n'était pas du goût de tout le monde et régulièrement, Shion se voyait appelé pour mettre un terme au caprice de Zan. Elle avait réussi à ne pas la faire renvoyer par ses talents d'oratrice mais c'était de justesse. Aujourd'hui avait été la goutte de trop.
« Elles vont finir par me tuer... »
Elle venait d'arrivée chez elle quand elle avait pris une décision importante. Depuis quelques jours, elle hésitait, ne savait que décider, penchait tantôt vers une première solution, tantôt vers la seconde et enfin, son choix s'était arrêté. Définitivement. Elle avait chargé une étudiante de faire parvenir un message à sa protégée, Maryn Ottawa, chargée de sécurité et responsable de l'Institut. Il était tant de lui annoncer. Et de déjeuner aussi.
Une porte claqua. Un froissement de veste. Des pas sur le parquet ciré. Maryn.
« Bonjour Shion. Tu voulais me voir ? »
Shion ne lui sourit pas, ne l'accueillit pas. Elle s'était toujours tenue à une certaine distance de sa protégée et n'avait jamais été très aimante. De toute façon, Shion n'était pas une personne exubérante. Jamais elle ne montrait ses sentiments.
« En effet, je voulais te voir. Mais assis-toi, je t'en pris. »
Elle l'invita d'un signe de la main à prendre place en face d'elle.
« J'ai préparé une salade composée de légumes fraichement cueillis. J'espère que ça te convient. »